Panacée

Publié le par Catherine Picque

 

La climatisation sort en flots sibériens des clapets du tableau de bord, orientés pour que mes bras soient caressés par cette bise de Vladivostok.

Un regard en biais me permet de vérifier qu'au dehors on a bien les 35°C du mois de juillet à Montpellier.

Dix minutes que je me muscle les chevilles sur les pédales de frein et d'embrayage. Je ris intérieurement en pensant à Jean-Pierre Bacri dans « Didier » coincé dans le tunnel du Corum, qui bougonne « je le sais pourtant qu'il ne faut pas passer par là ! ».

Je suis seulement à quelques pneus bouillants de ce haut lieu de mon panthéon cinématographique. Je joue dans une version subtile d'un « Risk » mécanique : quatre voies qui mènent en théorie à quatre directions différentes.

Au début l'automobiliste confiant pense que les deux lignes de gauche permettent d'aller tout droit, mais dans les derniers mètres, il se rend compte qu'il va devoir s'immiscer avec courtoisie dans la plus « sinistra », qui est bien évidemment la plus lente. Longue file qu'il a remonté allègrement, en savourant avec délectation le fait qu'il ne désirait pas aller à la « Panacée », nouveau lieu d'art contemporain.

Quelle ironie, le voilà maintenant obligé de compter sur l'indulgence de ceux qui ont opté pour le remède universel. Cela fait six mois que ce malentendu routier se répète toutes les trois minutes, le temps que le vert se substitue au rouge.

Des subtilités du génie civil ont essayé de clarifier ce quiproquo de la voirie : des bornes en plastique blanches, des lignes jaunes, mais leur superposition n'a fait qu'ajouter à la confusion.

Chaque feu tricolore est l'occasion de rejouer une commedia dell'arte où le plastron d'Arlequin est remplacé par les chromes des SUV métallisés ou par les logos des BMW.

Je remercie mon héros bougon de m'avoir réjouie pour affronter les polichinelles pressés et les fourbes caméléons qui oscillent entre sourires et jurons pour ne pas faire les plantons.

Publié dans Le Registre

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