Ni souris, ni groupie Acte I, Scène 3

Publié le par Catherine Picque


 

Charlotte, balançant un paquet d’enveloppes épaisses sur le bureau de Mathilde

Le facteur m'a encore fait une de ses blagues, il me tend les manuscrits et il part dans un rire gras "Heureusement que ce n'est pas pour les femmes battues du 2ème étage, elles pourraient croire que ce sont des annuaires !"

Zoé, plongée dans la lecture d’une revue, ne lève pas le nez et soupire

Humour de mec

Charlotte

On dirait qu’il le fait exprès de toujours me mettre dans des situations… regarde-moi ! Il me prend pour qui ?

Zoé

Tu sais ce n'est pas une question de classe sociale, je lisais justement dans Homme et Science, secouant sa revue, que les femmes battues il y en a beaucoup aussi chez les gens riches...

Charlotte, lui prenant la revue des mains

Dis donc, elle vient de la BU de la fac de Lettres ta revue...

Zoé

Oui, j'ai un copain en sociologie qui m'emprunte des trucs parfois...

Charlotte, feuilletant la revue en commentant les articles

« Le cerveau, cette machine merveilleuse », pas chez tout le monde…

« Le fétichisme chez les artistes », lui rendant la revue en la laissant tomber sur le canapé d’un geste nonchalant de star, n’importe quoi ! Se dirigeant vers la glace au fond, et se remettant du rouge à lèvres rouge vif, assorti à la semelle de ses talons aiguilles qu’elle admire

Zoé, qui n’a pas vu son manège

C’est sérieux, et pas du tout cuir et compagnie. Ils parlent d’Enki Bilal qui ne dessine jamais sans son zèbre empaillé…

Charlotte

Moi, j’en croise assez dans les vernissages avec leurs costumes croisés…

Zoé

Ou d’une compositrice chinoise qui garde le même crayon à papier pour écrire ses partitions.

Quand il ne fait plus que deux centimètres, elle le met dans une boite avec tous les autres…

Charlotte

C’est des conneries !

Zoé

T’es pas fétichiste, t’es sûre ?

Charlotte, debout derrière le canapé juste derrière Zoé, cherchant un exemple en tapotant son menton des ses ongles rouge carmin, se dirigeant vers le bureau de Mathilde, et sortant un Bic d’un pot à crayon

Tiens, mon premier contrat d’édition, je l’ai signé avec un Bic, et je l’ai aussitôt remis dans le pot à crayon avec ses semblables, dans son anonymat jaunâtre, sans aucun moyen de le reconnaître …

Zoé, se retournant et se mettant à genou sur le canapé

C’est affreux ! Pourquoi t’as fait ça ?

Charlotte, venant s’asseoir sur l’accoudoir du canapé

Pour être sûre de ne pas être superstitieuse… Ne pas m’inquiéter de perdre mon stylo fétiche d’ici la prochaine signature de contrat. Je ne veux pas croire que mon succès soit inféodé à un bout de plastique…

Zoé

Tu viens de l’inventer, je te vois pas écrire avec un stylo aussi ordinaire… c’est le style de Mathilde, pas le tien !

Charlotte sort de son sac à main un magnifique stylo plume et son chéquier dans un étui de maroquinier de luxe

T’as raison pour impressionner les vendeuses c’est encore mieux que la gold ! En plus, si elles sont fans t’as une chance qu’elles n’encaissent pas le chèque pour garder ton autographe…

Zoé

J’en étais sûre !

Charlotte

Ce n’était pas un stylo bille certes, mais je l’ai donné aussitôt après à ma femme de ménage.

Zoé

C’est dommage !

Charlotte

Je ne suis pas très chamane et grigri…

Zoé

Tu ne crois pas plutôt que tu ne voulais pas t’attacher…

Charlotte

On parle toujours d’un stylo, là ? Parce que je ne mets pas les scalps de mes mecs dans des cartons à chapeaux, quand ils ont fini de servir !

Publié dans Théâtre

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