Senec plus ultra Acte II, scène 3

Publié le par Catherine Picque

 

Acte II, scène 3

 

 

Eudoxie et Louis sont tous les deux en train de travailler sur des écrans assis sur le tatamis,

 

Louis

 

Merci Eudoxie de me prêter ton ordi portable, ça faisait des mois que je n'avais pas travaillé sur ma thèse… tu es sûre que ta tablette te suffit…

 

Eudoxie

 

Oui, oui je ne travaille pas mes cours, je fais juste quelques recherches… comme ça, au cas où… j'étudie la faisabilité du projet...

 

Louis

 

Du projet Kobé ?

 

Eudoxie

 

Non, pas celui-là. Celui d'aller enseigner au Moyen-Orient…

 

Louis

 

Tu dois te décider rapidement ?

 

Eudoxie

 

Demain

 

Louis

 

Mais t'es enceinte de combien ?

 

Eudoxie, un peu agitée se tortille et appuie sur la télécommande des volets roulants.

 

Non pour la réponse à l 'Université de Doha, c'est demain dernier délai…

Je compare les salaires et le coût de la vie...

 

Sénèque se rallume et les recherches d'Eudoxie s'affichent à l'écran

 

Un schéma de prévention des risques de la grossesse apparaît

 

Sénèque

 

L'éclampsie est un facteur majeur de mortalité maternelle et néonatale. L'hypertension artérielle cérébrale provoque des convulsions…

 

Louis récupère la télécommande et brouille Sénèque

 

Bruits de volet roulant qui couvrent la fin de la phrase de l'assistant domotique

 

...l'hypertension artérielle intracrânienne provoque une hémorragie cérébrale…

 

Eudoxie, réprimant un hoquet

 

De toutes façons, je ne peux pas le garder

 

Louis , lui retirant la tablette des mains et posant son ordinateur près de lui

 

Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ?

 

Eudoxie

 

C'est pareil, non ?

 

Louis

 

Non, pourquoi tu ne pourrais pas ?

 

Eudoxie se pelotonne sur le tatamis et se renferme dans un certain mutisme

 

Louis s'approche d'elle, s’assoit en face d'elle soulève doucement ses jambes et les enlacent avec les siennes

 

Louis

 

Dis-moi Eudoxie c'est à cause du père ?

 

Dis-moi oui ou non avec la tête

 

Il est marié ?

 

Dis-moi oui ou non avec la tête

 

Eudoxie hoche de la tête deux fois de suite

 

Tu ne veux pas l'élever seule ?

 

La tête d'Eudoxie s'enfonce dans ses bras repliés, mais un léger mouvement vertical l'anime à chaque question de Louis

 

Tu as peur de la grossesse ?

 

 

Parce que ta mère est morte pendant l'accouchement ?

 

Eudoxie se jette dans ses bras, en pleurs

 

et répète entre deux hoquets,

 

Je ne peux , je ne peux pas…

 

Louis

 

Est-ce que tu sais ce qui s'est passé à ta naissance  ?

 

Eudoxie se tient le ventre et psalmodie

 

Je ne veux pas te laisser, Je ne veux pas te laisser

 

Louis

 

Tu veux la garder ?

 

Eudoxie sort de sa transe, prends la main de Louis pour la mettre sur son abdomen et se met à parler avec une voix plus raisonnée

 

Toi aussi, tu sens que c'est une fille ?

 

Louis, embarrassé d'être aussi proche physiquement d'Eudoxie, alors qu'elle a repris ses esprits, retire sa main et s'éloigne d'elle vers l'arrière du tatamis en opérant un glissement vers l'arrière en s'appuyant sur ses bras.

 

Non, je ne sais pas . Tu me prends pour un Marabout ou quoi ?

 

Eudoxie ignorant la remarque vexée de Louis, se lève va chercher son sabre et son masque de Kendo et se met à énumérer toutes les raisons pour lesquelles elle devrait interrompre sa grossesse tout en faisant des kata

 

 

Elle commence face au public par une frappe à la tête men

 

Primo : trop vieille !

 

Chaque coup est accompagné d'un mouvement de pied en avant et d'un cri puissant qui désigne la partie que l'on frappe, le premier cri provoque la reprise de l'écran domotique

Un film des Frères Lumières de 1897 sur le kendo est projeté

 

https://youtu.be/WN9SDF05nX0

 

 

Men ! La tête !

 

Secundo : risque de trisomie

 

Elle exécute son deuxième coup , une frappe tranchante au flanc d'un adversaire imaginaire placé côté jardin

 

Do ! Le flanc !

Tertio : morbidité maternelle héréditaire

 

Se tourne vers le côté cour et s'élance pour la frappe au poignet

kote !

 

Quarto : pas de père !

 

Retirant son masque et prise d'une crise de rire frisant l'hystérie

 

Quinto : pas envie d'en prendre

 

Elle se penche sur le bar de la cuisine pour attraper la boule à neige de Kobé

 

Sexto 

 

Bruit de vibreur du téléphone portable de Louis

 

Eudoxie se retourne et brandit la sphère en verre qu'elle a agité

 

Le téléphone continue à vibrer

 

Eudoxie

 

Vas-y répond !

 

Louis

 

Non, ça doit être Martial, je le rappellerai… continue

 

Eudoxie, voix froide

 

Non, j'ai terminé, mais toi tu devrais décrocher cela en est peut-être un…

 

Louis

 

Non, c'est Martial qui a le portable Rubber…

 

Eudoxie reprise d'un rire ricanant

 

C'est peut-être un sexto, un sexto !

 

Louis agacé par le vrombissement du téléphone et effrayé par le comportement d'Eudoxie, décroche et va sur le palier pour répondre.

 

Eudoxie se dirige vers le placard du fond et fouille derrière les boules à neige, quelques unes tombent sur le tatamis sans se casser, elle en sort des lettres et une bouteille de Cognac dans un coffret cadeau luxueux

 

Ah ! Ah ! Des sextos, c'est la misère ! Moi ! J'ai reçu des lettres d'amour !

Des cadeaux dignes d'une geisha de luxe !

 

Elle ouvre le flacon et boit des rasades entières

 

Derrière la porte qui s'est refermée automatiquement, Louis tambourine pour essayer de se faire entendre,

 

Louis

 

Je dois y aller, je reviendrai

 

mais Eudoxie, se concentre sur les lettres, elle commence à les relire et dit à voix haute quelques mots en anglais, puis reconnaît un kanji à la fin et essaye de se rappeler la prononciation.

 

Eudoxie

 

You are the one

 

Elle pleure et rit à la fois, et boit une autre rasade de Cognac et jette la lettre

 

Sur une autre, elle lit en recrachant un peu d'alcool

 

I miss your skin

 

puis reconnaît un kanji à la fin et essaye de se rappeler la prononciation.

 

Lotus Flower

 

 hasunohana

 

Elle embrasse le caractère japonais et se couche en boule et se met à pleurer

 

Louis arrête de tambouriner

 

 

Street Art Montpellier

SUNRA

Photo Catherine PICQUE

Publié dans Théâtre

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